LA COMPLAINTE DU VETETISTE

 

ADIEU LE VALLON – BONJOUR TRISTESSE

 

  

Il était une fois, seul intact, au milieu de bien d’autres aussi beaux les uns que les autres, un Vallon remarquable de par ses richesses naturelles, son silence, et sa petite taille. Les gens qui le connaissaient bien pour l’avoir maintes fois fréquenté en parlaient comme l’on parle d’un trésor. C’était leur Vallon qu’ils regagnaient souvent à pied avec leurs enfants pour le leur faire découvrir : il y avait l’eau à sa source, de petites fleurs et des grandes qui le parfumaient et ces plantes pour la guérison, les méandres, le vent, la montagne multiple tout autour, en dentelle de crêtes, pour les chamois , des prairies pour le bétail en vacances, en période estivale. Quand ils parlaient de ce Vallon, on entendait battre leur cœur prêt à se battre pour lui.

   

Le seul intact, malgré les vagues de promoteurs à la vision centrée sur des pylônes de tire-flemme et un mur en béton. Ils en ont extrait des carottes pour s’assurer que les câbles de liaison et la conduite forcée resteraient éternellement dans le temps et l’espace. Ils espéraient surtout, que les consorts et les indigènes ne se laisseraient plus séduire par ce Vallon complètement d’un autre âge, désuet et sans avenir. De quoi rire, pensaient-ils, de ces adultes encore capables de s’arrêter pour respirer, réfléchir, pour admirer, pour goûter la vie qui les a vus naître ?

  

Fatigués de cette tornade de projets innovants, les amoureux inconditionnels du Vallon ont élevé d’un ton, leur voix, criant leur indignation et leur résistance face à ceux qui voulaient abîmer ce coin de terre. Ils désiraient, en effet, faire disparaître l’A du Tsan par noyade et scarifier son visage. L’écho a retenti dans les communes environnantes et bien au-delà, d’où l’on accourut pour voir ce qui se passait. Le scandale fut si grand que le désir de protéger ce Vallon s’est imposé avec plus de force encore, soutenu par la population locale, par des chercheurs et plusieurs associations du canton et hors du canton. Il fut décidé alors, que la circulation y serait désormais interdite, hormis pour la desserte des alpages et des prises d’eau.

  

Le monde, par la force des choses, s’est lentement transformé, mais le Vallon est resté naturellement le même. Les techniques, la mécanique ont changé. Des trials sont apparus, des quads, des 4x4, et des vélos. Non pas le vélo de papa à trois vitesses, mais des vélos tout terrain, avec deux manivelles, des suspensions, des freins, des pneus à crampons, des gros et des petits qui permettront de vaincre toute déclivité et surtout, de maîtriser de vertigineux dénivelés. On commença alors à traverser des paysages défilant en accéléré, reconnus depuis longtemps déjà, comme exceptionnels, sans cesse en recherche d’équilibre, avides de sensations fortes et de dérapages plus ou moins contrôlés. En effet, la terre colle, les marécages salissent, c’est plein de cailloux et de ruissellements de surface et les sentiers sont trop étroits.

  

Des vététistes de partout sont donc arrivés, bousculant les promeneurs de Valrando et autres. Etonnamment, personne d’entre eux ne savait que la loi sur la circulation concerne aussi les cyclistes. Personne ne sait alors qui a lancé ce parcours CdC (itinéraire Col de Cou) que l’on a ingénument nommé The Brazilian, ça fait bien, personne n’est au courant de demandes d’autorisation d’ouvrir un tel itinéraire jamais homologué, personne ne sait que ce Vallon est protégé, personne ne sait enfin, qui , a diffusé par Internet dans toute l'Europe et Outre-Atlantique l’existence et les cartes de ce nouveau parcours.

 

Où est l’erreur ? Chez les autorités cantonales ou communales qui temporisent ou tergiversent, souvent non informées de ce qui se passe vraiment, chez ceux qui espèrent recevoir des subventions pour la protection et le suivi écologique, en continuant à jouir de profits annexes au travers d’un tourisme non contrôlé, enfin chez les responsables des offices du tourisme dont les informations sont parfois soit incomplètes, soit absentes.

  

Et on se plaint que des tensions naissent et l’on ose se plaindre que des vététistes solides comme le roc soient victimes d’intolérance. Il est heureux que l’Etat ait enfin pris une décision claire concernant des comportements plus que déroutants de certains individus qui se targuent d’outrepasser les simples codes de savoir-vivre, du bon sens , et du respect de tout ce qui a été entrepris par les gens de la région et par les autorités pour protéger ce Vallon exceptionnel.

  

Les premières pétitions contre les abus de certains vététistes dans leur comportement et leur arrogance ne sont pas parties du Valais. Heureusement, un certain nombre en a pris conscience et sont de plus en plus attentif. Le refus de la pétition contre la circulation sur le bisse Clavaux, par exemple, est une aberration ! On a perdu ce bon sens celui de la sécurité pour les personnes âgées et les enfants qui s’y rendent. Faut-il une chute grave dans le bisse ou la vigne pour réveiller l’intelligence ?

 

L’origine des tensions vient bien de ceux qui se sont arrogé le droit d’agir comme bon leur semblaient, avec à coup sûr, d’autres complicités. Il y a des centaines de kilomètres de pistes homologuées pour les VTT en Valais. Il n’était donc absolument pas nécessaire d’en créer une supplémentaire dans un site protégé. Ceux qui se sont attribué ce droit, en portent l’entière responsabilité et il est tout à fait sain que les tensions qui ont directement suivi, leur soit imputées et qu’elles perdurent. Si finalement les VTT du Vallon se tournent vers la Bolivie c’est peut-être parce que ces gens là-bas n’ont pas la possibilité étant donné les conditions de vie, de s’insurger contre une telle façon de faire et de vivre ensemble. Ici, les habitants du coin continueront à se battre, avec l’audace d’observer encore les petites fleurs, de protéger ce Vallon unique et de détester les sentiers "rigoles". Pour finir, il est bon de rappeler que les "Teutons" sont des touristes à part entière, qui ont droit au respect et surtout à être mieux informés. Le temps du mythe est passé, la roue a tourné ; l’itinéraire Col de Cou a vécu, victime de son succès dérobé, et ses 500m de portage simple ou double en direction du Col de Cou, paraissent peu de chose par rapport à la sauvegarde du Vallon.

  

Lors de leur dernière réunion de crise, quelques éminents sportifs proposent une alternative pour le futur, aux jeunes fans de VTT déçus et atterrés par la décision coup d’arrêt du Conseil d’Etat : celle de redéfinir l’itinéraire et de rebaptiser le tracé : ils s’offriraient dorénavant la combe de Mase, magnifiquement ouverte sur la plaine du Valais Central pour regagner les Planards avant de plonger vers Nax, Pramagnon pour s’arrêter enfin au Café du Commerce à Grône. On lui donnerait le nom original de "La Dérochia", étonnamment moderne, bien de chez nous appellation sûrement exotique pour les vététistes touristes qui ne connaissent pas bien notre pays et qui auront l’immense plaisir de tester très concrètement ces 2000m de dénivelé. Nouveau projet annoncé à tout un chacun, passionné de VTT, projet à soutenir et surtout, à faire partager, car il garde la même dynamique et les mêmes bienfaits de l’effort et du plaisir que l’ancien.

  

 

Jacques Lamon

 

 

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