L’HISTOIRE MOUVEMENTEE ET COMPLEXE

 

DU VALLON DE RECHY

 

ET DE CEUX QUI ONT AFFAIRE A LUI

 

Un vallon protégé est un vallon dont on a perçu la valeur globale et les spécificités. 

 

 

 

En ce sens, le Vallon de Réchy est l’un des rares vallons qui n’ait pas subi de transformations notoires comme dans la plupart des vallées valaisannes. En effet, le développement du canton du Valais a nécessité la construction d’une infrastructure importante, de nombreux barrages, de nombreuses routes et installations liées à l’essor industriel et au tourisme, dont chaque Valaisan a pu, de façon directe ou indirecte, tirer profit.  

 

 

 

Des projets de ce type dans le Vallon de Réchy ont entraîné pourtant des réactions d’opposition de la part de la population locale. Ce vallon est un vallon à part.

 

 

Projet d’un barrage inondant les méandres de l’Ar du Tsan, d’une conduite forcée devant traverser la zone des chalets des gens de Grimisuat pour rejoindre l’usine électrique prévue à Fond Rèche. 

 

 

 

Projet de liaison par remontées mécaniques entre le Val d’Hérens et le Val d'Anniviers. 

 

 

 

Projet d’accès routier pour l’alpage de la Fâche et de l’Ar du Tsan par le Mt Noble. 

 

 

 

Ouverture d’une route (celle de la conduite) par les les Ziettes et Tracuit vers une nouvelle prise d’eau pour Vercorin (alt.2400m). 

 

 

 

Projet de route entre Erdesson (Grône) et l’alpage de Bouzerou par les Peillettes. 

 

 

 

Projet de liaison carrossable entre Nax et Vercorin par la Lé et les Vernis. 

 

 

 

Projet d’accès routier aux Mayens des Vernis depuis la cabane du bisse. 

 

 

 

Dernièrement ouverture d’une route de 4 à 5m de large à travers l’alpage de la Lé. 

 

 

 

Balisage sauvage jaune, au travers d’une réserve de chasse cantonale par les locataires de l’alpage de La Lé.

 

 

Les projets les plus fous sont réalisables à notre époque vu la puissance des machines et des technologies à disposition. La situation particulière de ce petit vallon doit être un frein sans concession à ce genre de promotion aussi destructrice que non rentable. En un temps exceptionnellement court, il serait possible de détruire l’attractivité particulière de cette région. 

 

 

L’exploitation subventionnée des alpages n’a plus le même intérêt que par le passé. 

 

 

 

Avec le temps beaucoup d’anciens propriétaires appartenant à un consortage ont abandonné l’élevage de bovins : l’alpage de l’Ar du Tsan a vu fondre son cheptel en quelques années. Cet alpage comptait jusqu’à 120 vaches laitières qui pâturaient les prairies alpines durant deux mois environ, par rotation, en fonction de la surface et de la qualité des herbages.

 

 

 

Très vite des vaches de plaine ou des cantons voisins sont arrivées en renfort, par camions, pour combler ce manque et assureront la survie d’une agriculture de montagne subventionnée. 

 

 

 

De plus, il fut de plus en plus difficile de recruter des bergers d’expérience et entièrement occupés à la traite, à la fabrication du fromage, au soin des bêtes et à l’entretien des surfaces et des bâtiments. 

 

 

 

Dès lors, on a vu se délabrer des tsigières, et cesser les rotations qui évitent un surpâturage. 

 

 

 

Puis, on a vu l’engagement de jeunes hors canton à qui on a demandé de fixer des kilomètres de barbelés, précédemment livrés sur place, par hélicoptère, permettant d’éviter une surveillance suivie du bétail. Depuis des années on tente d’éliminer l’ensemble de ces barbelés capables de blesser les animaux vivant sur ce territoire. On a même pensé à amender les sols avec des engrais répandus par les airs sans tenir compte de la flore exceptionnelle des prairies alpines. 

 

 

 

De cette nouvelle situation sont apparus, un piétement inhabituel du marais de l’Ar du Tsan et des pâtures trop ou insuffisamment broutées. Aussi l’Etat s’est vu obligé de définir une rotation en un certain nombre de zones, avec des clôtures temporaires. 

 

 

L’idée d’un agritourisme prometteur a fait activer le besoin de maisons de bergers, qui devaient encore loger, paraît-il, dans une caravane à 2400m d’altitude. Le bâtiment dont les travaux de restauration ont été subventionnés fut donc agrandi pour des bergers aujourd’hui, pratiquement absents. Les 280 « Nez Noirs » du Haut-Valais passent leur été tous seuls, dans le Vallon, avec l’une ou l’autre visite en fin de semaine.

 

 

La Rèche à l’abandon, Dzornivaz en ruines. Le Tsalet que l’on avait promis à un développement exceptionnel est également occupé par des chasseurs. 

 

 

Pourtant, il serait dommageable de laisser à l’abandon total le reste du bâti. Serait-il possible de les restaurer, de façon simple, comme, témoin d’un patrimoine et comme abri en cas d’urgence. 

 

 

 

Tsarthey fut ainsi revitalisé avec soin et respect. On peut y loger dans de bonnes conditions. Deux buvettes ont vu le jour, à Tsarthey d’en haut et à La Lé, gérées et desservies par des bergers moins chargés, qui n’ont plus que des génisses. Un estivage de chevaux a été mis sur pied sur ce même alpage. On peut y prendre une fondue, un verre de vin et un café, occasion originale unique en montagne dans un vallon d’une telle beauté. 

 

 

Si les tsigières deviennent des lieux de séjour pour touristes, elles vont immanquablement favoriser un va et vient de voitures pour amener des vivres, pour descendre les poubelles, pour amener les personnes pour qui la montagne est trop exigeante. Il est difficile de faire respecter l’interdiction de circuler : barrière inexistante au début, barrière défoncée par la suite, passe-droit et clefs devenues transmissibles à souhait. 

 

 

On a même vu un petit bus amener le nécessaire de camping d’un groupe de jeunes adultes du canton de Vaud sur l’Ar du Tsan. Comme aucun WC n’était prévu, les vaches arrivées le lendemain en ont apprécié le résultat. On y a vu des trials sillonner le marais de l’Ar du Tsan, des quads et des 4x4 y monter sans se soucier de l’interdiction qui est faite de circuler dans le vallon (sauf pour les strictes nécessités des ayants droit). C’est vraiment extraordinaire, pensent certains, de traverser ce vallon en véhicule, pour le plaisir, sans effort ! Par malheur, il est protégé.

 

 

Si le bas du vallon, la région des Mayens est habitée, il est compréhensible que l’on y croise les voitures. Les jeeps ou les snow-jets des propriétaires de chalets. Par contre, la circulation comme telle, est inacceptable sur le haut. 

 

 

 

Une mode très cool se développe depuis quelques années dans ce vallon protégé, à vocation pédestre. On vient en effet de découvrir que ce vallon est incomparable, d’une rareté et d’une beauté inégalables. De nombreux vététistes le traversent de la cabane des Becs au Mont-Noble, longent la rivière, du Louché aux méandres et inversement. C’est si beau ! Ils se rafraichissent en troublant les eaux des ruisselets, des sources de la Rèche. Ils lignent et tracent sur les prairies alpines avec ce sentiment incomparable de bonheur, de liberté, et de maitrise. Personne n’interdit à ces gens de monter à pieds dans le vallon à vocation pédestre, mais les marcheurs commencent à s’indigner de cette invasion qui abime les sols et déforment les sentiers, qui perturbent la tranquillité des cheminements. 

 

 

 

Elargir les sentiers pour ces fans du vélo tout terrain serait un vrai scandale étant donné qu’ils ont à disposition des kilomètres de routes forestières et le tracé du grand raid pour eux à quelques encablures, au Pas de Lona. 

 

 

L’eau est le premier élément essentiel du Vallon de Réchy. D’un goût vraiment agréable comme boisson de table, elle provient d’un glacier rocheux, d’un milieu de permafrost périglaciaire et de sources latérales. Après avoir traversé des couches géologiques variées, quarzites, calcschistes, gypses, cornieules, elle se retrouve enrichie et mélangée dans l’immense ombilic méandreux de l’Ar du Tsan. Cette eau est captée au-dessus et en dessous de la plaine de l’Ar du Tsan, ainsi que dans des sources, soit pour la consommation, soit pour l’arrosage ou pour les canons à neige. Le débit variable de la Rèche qui conditionne tout le milieu naturel  peut, en été surtout, être en déficit. Une surexploitation de cette eau peut entraîner une modification des sols et de la végétation. A quelques reprises, elle a été contaminée par des excréments d’animaux, ce qui peut laisser entendre que l’ensemble du réseau est fragile. Le bas de la rivière s’est aussi retrouvé à sec. 

 

 

On ne peut donc rien faire dans ce Vallon ! Oui, on peut le protéger et le conserver dans sa rareté pour ce qu’il nous offre en flore, en faune, en eau, en paysages, en silence, en espace, en crêtes, en forêts, en chalets, en alpages. Il est déjà en avance vers l’avenir parce qu’il est unique, apprécié, admiré, aimé, fréquenté. Il est fait pour un tourisme doux, pour un tourisme pédestre uniquement. Il est fait pour la découverte, pour l’aventure, pour l’épanouissement, le ressourcement, un passage de vie totalement ouvert, sans installations, qui redonne des forces.  

 

 

 

Au fait, à qui appartient ce vallon ? Seules trois communes en sont les propriétaires Grône, Mont-Noble et Chalais. Propriétaires de chalets, bergers, consors, touristes, défenseurs du Vallon n’en sont que les exploitants, les bénéficiaires, les veilleurs, avec chacun leurs droits et devoirs. 

 

 

 

Les communes et les bourgeoisies quand il y en a, sont les premières responsables, les autres portent des responsabilités à leur niveau – gestion correcte des alpages loués et pâturés, entretien des chalets en conformité avec les lois en vigueur, attention portée aux projets ou aux activités pouvant nuire à la nature même du vallon, à l’attrait qu’il exerce sur les touristes, aux décisions pouvant détruire les richesses naturelles qu’il offre.  

 

 

 

La manière la plus efficace de le protéger est une concertation sans concession sur les questions de la circulation, de gestion de la forêt, de l’utilisation de l’eau, du plan général des sentiers officiels et bien entretenus, de la gestion restreinte et qualitative des buvettes, d’un travail compétent et accueillant de la part des accompagnateurs de montagne. Le plus délicat serait que chaque commune, chaque office de tourisme tire la couverture à soi en bénéficiant de subsides de la part de la commission intercommunale nommée dans ce but. 

 

 

Le danger vient du fait que les chasseurs, les consors, les propriétaires de chalets, les défenseurs de la nature, les bergers ne regardent qu’une partie de l’enjeu. Durant ces dernières années des décisions ont été prises sans concertation, sans vision globale, sans prudence, sans anticipation sur les conséquences qu’elles entraineront dans le futur.  

 

 

 

Il faut parfois une vision sur l’ensemble, et la volonté de garder ce vallon unique et exceptionnel, non pour du court terme, mais pour le long terme. Le laisser faire, ne pas prendre de décisions claires compliquent encore les choses et sèment la suspicion réciproque.

 

 

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